... HEUREUSEMENT IL NOUS RESTE LA BIĂRE
La brasserie est situĂ©e Ă Val-de-Reuil, en Normandie, au domaine des Hauts PrĂ©s, un pĂŽle dâagriculture biologique situĂ© , entre les boucles de la Seine. On y trouve, entre autres personnages joyeux et responsables, des maraĂźchers, un apiculteur, un traiteur et, Ă©galement, un brasseur.
Les BiĂšres des deux amants sont brassĂ©es et mises en bouteilles sur place, Ă partir de malts bio, de houblons, de levures, de sucre bio et dâeau. Elles ne sont ni filtrĂ©es, ni pasteurisĂ©es. Et lâon a prĂ©fĂ©rĂ© y ajouter les dessins merveilleux de Priscille Depinay plutĂŽt que des additifs et des conservateurs. Brasserie artisanale, on vous dit. Bien sĂ»r, la Brasserie des Deux Amants valorise les circuits courts et vous encourage mĂȘme Ă venir chercher vos biĂšres directement sur place, Ă cheval, en Ă©chasses⊠ou sur un monocycle.” Autrement on peut aussi vous livrer nous, votre serviteur, LE MURMURE DE LA CAVE
LES DEUX AMANTS
Bruno Couchaud â celui qui brasse et pas que
DiplĂŽmĂ© dâun master en microbiologie, Bruno se passionne, dâabord en amateur, pour la biĂšre. En 2013, il quitte son laboratoire pour suivre une formation de brasseur chez Science Infuse, Ă la Rochelle. Il participe ensuite successivement aux crĂ©ations de la Brasserie du Bout du Monde dans le FinistĂšre (1 an) et de la Brasserie BapBap Ă Paris (3 ans). En 2017, il crĂ©e la Brasserie des Deux Amants en Normandie.
Anne-Charlotte Bertrand â celle qui vend
AprĂšs des Ă©tudes littĂ©raires, Anne-Charlotte travaille pendant dix ans de sa passion en tant que metteur en scĂšne au thĂ©Ăątre. Elle co-dirige notamment la Compagnie O Clair de Plume et est artiste associĂ©e Ă la Factorie â Maison de PoĂ©sie de Normandie. Câest en rencontrant Bruno quâelle comprend que la biĂšre est un domaine autrement plus vaste que ce quâelle imaginait⊠AprĂšs de longues heures de dĂ©gustation et beaucoup de bouteilles dĂ©capsulĂ©es, elle devient officiellement la responsable commerciale de la Brasserie les Deux Amants.
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LA LĂGENDE
« La lĂ©gende est belle et triste, comme souvent les lĂ©gendes. Le hĂ©ros meurt, sa bien-aimĂ©e lâaccompagne dans le trĂ©pas. Et le mĂ©chant pĂšre sâen mord les doigtsâŠ
La Brasserie des Deux Amants tire son nom dâune lĂ©gende normande, vieille de mille ans, ou presque. En substance, la voici.
Dans la Normandie dâune Ă©poque rĂ©volue, Robert est une sorte de seigneur. Il a de lâargent, il a du pouvoir, il aime partir pour la guerre, chasser le sanglier avec son fusil mitrailleur, jouer au rami avec ses copains et faire des blagues de caserne. Quand il ne passe pas son dimanche aprĂšs-midi Ă lustrer les jantes alu de sa collection de calĂšches, Robert rĂ©flĂ©chit Ă des moyens de tracasser sa fille unique, Mathilde.
Dans la Normandie dâune Ă©poque rĂ©volue, Mathilde est donc la fille dâun seigneur. Comme trop souvent dans les lĂ©gendes, Mathilde est une hĂ©roĂŻne dĂ©pourvue de libre-arbitre. Son pĂšre sabote chez elle toute tentative dâĂ©panouissement personnel. Si la lĂ©gende avait eu lieu au XXIe siĂšcle, Mathilde aurait sans doute fait de brillantes Ă©tudes de mĂ©diation culturelle Ă Rouen et elle vivrait aujourdâhui dans un appartement trĂšs lumineux, avec Ă son bras un Ă©poux de quinze ans son cadet, mannequin pour sous-vĂȘtements. Au lieu de ça, son pĂšre lâenferme chez elle, lui tire les cheveux au moins trois fois par semaine et lâempĂȘche de se marier. Comme trop souvent dans les lĂ©gendes, Mathilde consacre ainsi une bonne partie de son temps Ă se languir.
Câest lĂ quâintervient Raoul. Raoul est un chic type. Raoul est un cĆur pur. Aussi, lorsquâau cours dâune partie de chasse, Robert manque de se faire embrocher par un sanglier particuliĂšrement tenace, Raoul, qui, pour une raison encore inconnue Ă ce jour, traĂźnait ses guĂȘtres dans le sous-bois, parvient Ă lui sauver la vie. Robert le remercie dâune tape dans le dos, mais Raoul sâenhardit : il veut plus. Il avoue Ă Robert quâil est amoureux de Mathilde, depuis tout petit. Il sait que câest rĂ©ciproque, Mathilde le lui a dit un jour, en cachette, dans lâimpasse derriĂšre le bar-tabac. Ni une, ni deux, il demande ainsi au cruel Robert la main de sa princesse. Et Robert accepte.
Mais, toujours avide de divertissement, il impose une condition. Il explique Ă Raoul quâil pourra Ă©pouser sa fille sâil se rĂ©vĂšle capable de courir jusquâau sommet dâun pic escarpĂ© en portant cette derniĂšre sur son dos. Aujourdâhui, avec lâĂ©rosion et les travaux de terrassement effectuĂ©s pour faire passer la dĂ©partementale, le pic escarpĂ© nâest plus trĂšs impressionnant, mais dans la Normandie dâune Ă©poque rĂ©volue, ça reprĂ©sentait quelque chose, pour sĂ»r. QuâĂ cela ne tienne, Raoul accepte parce quâil est amoureux.
La fin de la lĂ©gende aurait pu ĂȘtre spectaculaire, grandiose et prodigieuse. Et cela sâest jouĂ© Ă peu de choses. On nâest vraiment pas passĂ© loin de lâexplosion de joie, du feu dâartifice au sommet du pic escarpĂ©, du baiser devant le coucher de soleil sur la vallĂ©e brumeuse, de lâexploit rĂ©ussi et de lâamour triomphant. Parce que oui, Raoul a rĂ©ussi Ă gravir la montagne en portant sur son dos sa bien-aimĂ©e bien quâil soignĂąt, depuis quelques belles annĂ©es dĂ©jĂ , sa solitude Ă coups de galettes normandes 100 % pur beurre. Seulement voilĂ , Ă la seconde mĂȘme oĂč le dĂ©fi fut relevĂ©, Raoul succomba. Son cĆur le lĂącha sans crier gare et bien trop loin du premier dĂ©fibrillateur.
Etant seuls au sommet de ce relief assassin, nul ne put tĂ©moigner de leur fin tragique : Raoul Ă©crasa-tâil Mathilde de tout son poids ?, se ratatina-tâelle au pied de la falaise ?, fut-elle piquĂ©e par un frelon asiatique auquel elle Ă©tait allergique ? Le fait est que Mathilde fut retrouvĂ©e morte auprĂšs de son tendre. Elle ne lui survĂ©cut pas plus dâune demi-minute.
Robert, fou de chagrin, se mordit les doigts jusquâau sang et se promit de ne jamais recommencer. Il fit le serment que, si le sort lui accordait une autre fille, il la laisserait libre de son destin et tracerait pour elle la route dâun bonheur certain. HĂ©las, Robert Ă©tait veuf, dĂ©sagrĂ©able et avait une hygiĂšne bucco-dentaire dĂ©plorable. Il vĂ©cut donc seul jusquâĂ sa mort.
âŠHeureusement, il nous reste la biĂšre. »